Il y a des moments où apprendre ressemble moins à l’accumulation de faits qu’à une respiration : on entre dans une expérience, on la porte, on la regarde, on lui donne sens, puis on la remet en jeu. C’est cette dynamique-là — alternance de faire et de penser — que propose le modèle de David Kolb et qui continue, en 2025, d’éclairer les pratiques de formation et d’accompagnement. On sent souvent, dans une salle de formation ou dans une séance clinique, que l’activation d’une seule modalité (parler, lire, agir) laisse quelque chose en suspens. Le CycleExpérientiel Pro invite à penser la progression complète, du vécu concret à l’essai renouvelé.
Ce texte suit Sophie, responsable pédagogique dans une structure fictive appelée InnovExpérience, qui repense ses modules pour répondre aux besoins variés des apprenants en France. Au fil des sections, on explorera la logique du cycle, les quatre profils de préférence — les StylesKolb Éducation —, des applications concrètes en formation, les critiques qui obligent à nuancer, et enfin des outils pratiques pour aider chacun à élargir son répertoire d’apprentissage. On parlera d’émotions, de jeux de rôle, de pratiques cliniques et d’outils pédagogiques en lien avec la réalité des organisations et des personnes.
Le Cycle de l’Apprentissage Expérientiel : comprendre la boucle qui transforme l’expérience
Il est essentiel de commencer par l’évidence : apprendre n’est pas seulement accumuler des données. Le cycle d’apprentissage proposé par Kolb met en lumière quatre temps qui se nourrissent l’un l’autre : l’expérience concrète, l’observation réfléchie, la conceptualisation abstraite et l’expérimentation active. Chacune de ces étapes joue un rôle distinct mais interdépendant.
Les quatre temps, expliqués simplement
On peut entrer dans la boucle à n’importe quel point : parfois on commence par une action (faire), parfois par une lecture (penser). Mais pour qu’un apprentissage soit profond, il faut pouvoir parcourir les quatre phases.
- Expérience concrète (CE) : participer, agir, vivre une situation.
- Observation réfléchie (RO) : prendre du recul, noter ce qui a émergé, repérer les incohérences entre ce qu’on pensait et ce qui est arrivé.
- Conceptualisation abstraite (AC) : formuler une idée, un modèle ou une hypothèse explicative à partir de la réflexion.
- Expérimentation active (AE) : tester la nouvelle idée dans un contexte réel et observer les effets.
Kolb propose que la connaissance « émerge » en transformant l’expérience. Ce n’est pas une simple réception d’informations ; c’est une circulation permanente de faire et penser. Ainsi, après une expérience concrète, la réflexion génère souvent une nouvelle idée qui sera ensuite mise à l’épreuve dans le monde — et cette mise à l’épreuve engendre une nouvelle expérience. C’est un cercle plutôt qu’une route droite.
Pourquoi cette démarche compte en formation et en clinique
Pour Sophie, responsable pédagogique chez InnovExpérience, cette boucle n’est pas un concept abstrait mais un outil pratique. Elle sait qu’une activité sans réflexion laisse peu d’empreinte durable. À l’inverse, une théorie sans mise en situation reste inerte. Dans son travail, elle conçoit des sessions qui commencent souvent par une simulation (CE), puis un temps de partage pour repérer les ressentis (RO), une synthèse conceptuelle (AC), et enfin un retour en situation ou un exercice d’application (AE).
Quelques exemples concrets :
- En formation de communication, un exercice de jeu de rôle (CE) permet d’observer les réactions (RO), puis d’introduire un cadre théorique sur l’écoute active (AC) avant de proposer de nouvelles mises en pratique (AE).
- En supervision clinique, une séance de présentation d’un cas joue le rôle d’expérience, la revue réflexive conduit à reformuler l’hypothèse clinique, et les interventions proposées sont testées dans le suivi du patient.
Le modèle souligne aussi que l’apprentissage est intégré : chaque phase soutient les autres. Si l’un des temps manque, l’impact est amoindri. C’est pourquoi il est recommandé, dans toute ingénierie pédagogique, d’articuler des séquences qui traversent le cercle plutôt que de s’en tenir à des formats unilatéraux (par exemple uniquement du présentiel magistral).
Enfin, il faut noter que le CycleExpérientiel Pro est flexible : on peut démarrer par l’observation ou par la théorie selon le contexte. Mais la force du modèle se mesure quand toutes les étapes sont effectivement mobilisées, ce qui augmente la probabilité d’une compréhension durable et transférable.
Insight : retenir que l’apprentissage robuste naît de la répétition consciente du « faire → penser → formuler → retenter ».

Les quatre StylesKolb : profils d’apprentissage et implications pour l’accompagnement
Il existe une manière pratique d’utiliser le cycle : observer comment chacun préfère le parcourir. Kolb identifie quatre styles — Divergent, Assimilateur, Convergent, Accommodateur — qui combinent deux axes : sentir vs penser, agir vs observer. Comprendre ces tendances aide à adapter les parcours, tout en gardant à l’esprit que les préférences ne sont pas des prisons.
Divergent et Assimilateur : sensibilité et réflexion
Le Divergent (CE/RO) excelle à explorer plusieurs points de vue. Il aime rassembler des idées et imaginer des solutions créatives. En formation, ces personnes profitent des phases d’observation et des échanges de groupe.
- Points forts : créativité, empathie, observation.
- Limites : tendance à l’indécision si une action rapide est nécessaire.
- Exemples d’activités utiles : brainstorming, récits d’expérience, arts applicatifs.
L’Assimilateur (AC/RO) privilégie les concepts structurés. Ce profil préfère des explications claires et du temps pour organiser les informations. On le trouve souvent dans des métiers scientifiques ou analytiques.
- Points forts : analyse, structuration, synthèse.
- Limites : peut manquer de préférence pour l’action directe.
- Exemples d’activités utiles : lectures guidées, modèles théoriques, temps de réflexion individuelle.
Convergent et Accommodateur : action et application
Le Convergent (AC/AE) met la théorie au service de la résolution pratique de problèmes. Il est attiré par les tâches techniques et les simulations appliquées.
- Points forts : résolution de problèmes, application technique.
- Limites : moins centré sur les dynamiques interpersonnelles.
- Exemples d’activités utiles : ateliers pratiques, études de cas orientées solution.
L’Accommodateur (CE/AE) apprend en faisant et en improvisant, souvent guidé par l’intuition. Il aime les situations nouvelles et l’expérimentation.
- Points forts : adaptabilité, prise d’initiative.
- Limites : tendance à négliger la réflexion structurée.
- Exemples d’activités utiles : projets, voyages d’étude, interventions sur le terrain.
Sophie, en concevant une formation pour un public mixte d’apprenants en France, veille à équilibrer les activités pour que chacun puisse trouver un point d’entrée favorable. Elle sait aussi qu’il est précieux d’aider les apprenants à développer leurs modes moins privilégiés : un Assimilateur peut gagner à tester un exercice d’improvisation ; un Accommodateur pourra tirer profit d’un temps de verbalisation et de conceptualisation.
Liste pratique pour concevoir un module équilibré :
- Commencer par une expérience concrète (jeu de rôle, atelier).
- Prévoir un temps de réflexion et de retour (journaux, bilans).
- Proposer un cadre conceptuel pour lier les observations à un modèle.
- Terminer par un exercice d’application ou une mission de terrain.
Ces variations favorisent un Talent Cyclique : la capacité à passer d’un style à l’autre selon le besoin. C’est ce que recherchent les formateurs attentifs au développement global des personnes.
Insight : reconnaître son profil permet d’apprendre mieux aujourd’hui, mais cultiver les autres styles prépare à apprendre demain.
Applications pratiques en formation : concevoir avec le CycleExpérientiel Pro
Penser Kolb dans la pratique, c’est transformer un cours statique en une suite d’expériences signifiantes. Sophie pilote un projet appelé EduKolb France où elle teste des modules intégrant explicitement les quatre phases. Ses choix pédagogiques visent à rendre chaque séance vivante, responsable et transférable.
Architecture d’un module type
Voici la structure que Sophie utilise pour un atelier de deux jours :
- Jour 1 – Matin : une activité immersive (cas concret, simulation) pour ancrer la sensation.
- Jour 1 – Après-midi : temps de réflexion en petits groupes, carnet de bord et retour croisé.
- Jour 2 – Matin : apports théoriques ciblés pour organiser les observations.
- Jour 2 – Après-midi : mini-projets où les participants expérimentent les nouvelles idées en conditions réelles.
Chaque étape est pensée pour permettre un véritable balayage du cercle, avec des consignes claires et des outils d’évaluation formative. Par exemple, Sophie introduit des grilles d’observation (qui permettent la RO), des fiches de synthèse (AC), et des missions terrain (AE).
Exemples concrets d’activités
- Jeu de rôle pour aborder la peur de l’intimité en formation de psychopraticiens : l’expérience crée des situations sensibles à observer, puis à conceptualiser avant de tester de nouvelles postures en supervision.
- Atelier d’expression émotionnelle inspiré de l’article sur l’enseignement des émotions : utile pour renforcer la phase de réflexion collective.
- Simulation de crise et suivi réflexif pour équipes soignantes où l’on intègre des éléments tirés de la thérapie humaniste (référence).
La valeur ajoutée de cette approche est d’augmenter la probabilité que l’apprenant expérimente une transformation : l’idée n’est plus seulement d’« apprendre » mais de vivre apprendre — VivreApprendre — en testant des postures, en observant leurs effets et en les raffinant.
Évaluer l’efficacité : indicateurs et retours
Sophie utilise des indicateurs qualitatifs et quantitatifs :
- auto-évaluations avant/après ;
- observations pair-à-pair ;
- missions de suivi à 4 à 6 semaines pour constater l’application réelle (AE) ;
- retours cliniques lorsque le module concerne la santé mentale, en lien avec des ressources pertinentes comme la gestion du trauma (article).
Ces retours permettent de réajuster le dispositif et d’assurer une progression réelle vers des compétences transférables.
Insight : une ingénierie pédagogique qui respecte le Cercle Expérientiel crée des conditions où la théorie prend chair et l’action gagne en sens.

Dire que Kolb est sans critique serait mentir à la rigueur scientifique. Le modèle a des vertus claires, mais il nécessite des nuances, surtout en 2025 où les environnements d’apprentissage évoluent rapidement.
Principales critiques et leurs implications
Quelques objections reviennent régulièrement :
- La linéarité : le cycle peut sembler trop séquentiel, alors que l’apprentissage réel est souvent simultané et chaotique.
- L’individuel au détriment du social : Kolb travaille l’individu; il sous-estime parfois le rôle des contextes culturels et des relations de pouvoir.
- La question des styles : la validité empirique des styles stables a été remise en question, et ajuster un enseignement uniquement sur des « cases » peut se révéler inefficace.
Ces limites n’invalident pas l’intérêt du modèle, mais elles appellent à des adaptations : intégrer des perspectives systémiques, assurer une pluralité d’entrées pédagogiques, et traiter les styles comme des tendances plutôt que comme des étiquettes immuables.
Alternatives et enrichissements contemporains
Pour répondre à la vitesse des environnements contemporains, certains praticiens combinent Kolb avec d’autres cadres. Par exemple :
- l’approche OODA (Observe–Orient–Decide–Act) pour la prise de décision rapide ;
- les modèles de parcours non-linéaires qui autorisent des boucles multiples et des rétroactions instantanées ;
- les approches socioculturelles qui intègrent l’influence des normes et des relations interpersonnelles sur l’apprentissage.
De plus, la recherche indique que l’étiquette « apprendre selon son style » n’est pas suffisante pour améliorer les performances. Mieux vaut diversifier les méthodes et inviter chacun à sortir de sa zone de confort, ce qui rejoint l’idée d’un ExpériStyle Formation plus fluide.
Conséquences pratiques pour la formation en France
Concrètement, Sophie ajuste ses modules en prenant en compte ces critiques : elle introduit des séquences collaboratives conçues pour mettre au jour les enjeux sociaux, ajoute des boucles de feedback accélérées et incite à l’alternance entre action et réflexion sans prescrire un chemin fixe. Elle reconnaît aussi que dans des contextes cliniques, comme la prise en charge de la claustrophobie ou de traumatismes, il faut intégrer une sensibilité éthique et thérapeutique (voir les ressources sur la claustrophobie et les approches contemporaines).
Enfin, la critique des styles invite à promouvoir la résilience cognitive : aider les apprenants à développer une palette de stratégies. Dans un monde changeant, la capacité à basculer entre observation et action devient un véritable atout professionnel — un Talent Cyclique.
Insight : reconnaître les limites de Kolb permet d’enrichir la pratique plutôt que de l’abandonner.
Construire sa pratique : exercices, évaluations et conseils pour développer l’Apprentissage Actif France
Le dernier geste, avant de mettre en œuvre, est d’équiper les formateurs et les apprenants avec des outils concrets. Voici un guide d’action qui s’adresse autant au professionnel qu’à la personne qui veut apprendre mieux.
Exercices pour traverser les quatre phases
Quelques propositions simples à intégrer dès la prochaine session :
- Expérience concrète : simulations guidées ou jeux de rôle (voir l’article utile sur les conseils pour débuter en jeu de rôle ici).
- Observation réfléchie : carnet de bord à remplir après l’exercice, puis partage en binômes pour enrichir la perspective.
- Conceptualisation : proposer une synthèse théorique courte, suivie d’un atelier d’abstraction collective.
- Expérimentation : missions à réaliser en situation réelle, avec rendez-vous de suivi pour mesurer l’impact.
Ces étapes doivent être simples à déployer, mesurables et intégrées dans un parcours plus large. Les outils numériques peuvent aider, mais rien ne remplace le retour direct et humain.
Stratégies d’évaluation formative
Pour savoir si l’apprentissage s’ancre, privilégiez :
- des indicateurs de comportement observables (ex. : mise en pratique des techniques) ;
- des retours qualitatifs réguliers (journaux réflexifs) ;
- des pairs-mentoring pour accompagner l’expérimentation.
Prendre soin de la dimension émotionnelle est aussi crucial. Certains sujets déclenchent des réponses fortes (traumatismes, peur, culpabilité). Il est pertinent d’orienter les personnes vers des ressources adaptées, par exemple des lectures ou des approches thérapeutiques pertinentes (culpabilité et trauma, thérapie humaniste).
Conseils pour les formateurs
Quelques recommandations pragmatiques :
- Variez les modalités pour toucher Apprentissage Actif France : alternance d’action et de réflexion.
- Installez un climat de sécurité psychologique pour que l’expérience concrète soit riche sans être traumatisante.
- Encouragez la flexibilité : proposez des options et permettez aux participants de choisir leur point d’entrée.
- Mesurez et ajustez : privilégiez de petites boucles d’évaluation pour corriger rapidement.
Sophie conclut souvent ses sessions en invitant chacun à une action concrète à mener dans les quinze jours, puis organise un court retour collectif. Cette pratique simple transforme la formation en un terrain d’expérimentation continue — ce que certains appellent déjà VivreApprendre.
Insight : l’efficacité pédagogique tient autant à la conception qu’à la qualité de l’accompagnement émotionnel et au suivi temporel.


Comment savoir quel est mon style d’apprentissage selon Kolb ?
On repère souvent des tendances : vous préférez-vous plonger dans l’action, prendre du recul, conceptualiser ou appliquer la théorie ? Des questionnaires existent, mais mieux vaut observer vos réactions en situation. Tester des activités variées (jeux de rôle, lectures, ateliers pratiques) permet de voir ce qui vous stimule et ce qui vous met en apprentissage.
Faut-il adapter toute la formation à un seul style ?
Non. Plutôt que d’adapter constamment aux préférences perçues, il est plus efficace de diversifier les modalités afin que chaque participant traverse les quatre phases du cycle. Cela favorise l’employabilité et la flexibilité cognitive.
Le modèle fonctionne-t-il dans la prise en charge psychothérapeutique ?
Le CycleExpérientiel Pro peut éclairer la formation des thérapeutes : par exemple, l’usage du jeu de rôle (CE) suivi d’un temps réflexif (RO) et d’apports théoriques (AC) puis de mises en pratique (AE) améliore la compétence clinique. Attention toutefois aux sujets sensibles : orientez toujours vers un accompagnement clinique si nécessaire.
Quelles alternatives considérer face aux limites de Kolb ?
Des modèles comme l’OODA loop ou des approches plus systémiques complètent utilement Kolb, notamment dans des contextes rapides ou collectifs. L’important est la capacité à intégrer rétroactions et contextes sociaux.