Nos mains ne servent pas qu’à saisir des objets ou à taper sur un clavier. Elles jouent un rôle crucial dans notre façon de communiquer et de penser. Les gestes qui accompagnent notre discours constituent un véritable « langage des mains » aux multiples facettes. Découvrons ensemble les secrets fascinants que la science a mis au jour sur ce phénomène universel.

L’importance des gestes dans la communication

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, nos gestes ne sont pas de simples mouvements superflus. Ils font partie intégrante de notre façon de communiquer et transmettent souvent autant d’informations que nos paroles.

Un phénomène universel

L’utilisation des gestes pour accompagner le discours est observée dans toutes les cultures. Que l’on soit en France, au Japon ou au Brésil, les mains s’animent naturellement lorsque nous parlons. Certains gestes sont universels, comme pointer du doigt pour désigner quelque chose. D’autres varient selon les cultures mais gardent la même fonction d’enrichir le message verbal.

Des gestes parfois plus éloquents que les mots

Dans certaines situations, un simple geste peut en dire plus long qu’un long discours. Pensez par exemple à ces moments où vous n’arrivez pas à trouver vos mots et finissez par mimer l’objet dont vous voulez parler. Ou encore à ces conversations où le langage corporel trahit ce que la personne pense vraiment, au-delà de ce qu’elle dit.

Les gestes permettent notamment d’exprimer :

  • Des émotions (serrer les poings pour montrer sa colère)
  • Des concepts abstraits (écarter les mains pour illustrer la notion de « grand »)
  • Des actions (mimer l’ouverture d’une porte)
  • La structure du discours (énumérer sur ses doigts)

Un atout pour la mémorisation

Les recherches montrent que l’utilisation de gestes améliore la mémorisation, tant pour celui qui parle que pour celui qui écoute. En associant un mouvement à une idée, on crée un lien supplémentaire dans notre cerveau, ce qui facilite le rappel ultérieur de l’information.

Une étude menée auprès d’étudiants a révélé que ceux qui gesticulent en révisant retiennent mieux leurs cours. De même, un orateur qui illustre son propos par des gestes appropriés sera plus facilement compris et son message mieux mémorisé par l’auditoire.

Les différents types de gestes

Tous les gestes n’ont pas la même fonction ni la même origine. Les chercheurs ont identifié plusieurs catégories de mouvements qui accompagnent notre discours.

Les gestes iconiques

Ces gestes illustrent directement le contenu du discours. Par exemple, dessiner un carré avec ses doigts en parlant d’une boîte, ou mimer l’action de boire en évoquant un verre d’eau. Ils sont particulièrement utiles pour décrire des objets ou des actions concrètes.

Les gestes métaphoriques

Proches des gestes iconiques, ils servent à représenter des concepts abstraits. On peut par exemple écarter les mains pour parler de quelque chose de vaste, ou les rapprocher pour évoquer un lien étroit entre deux idées.

Les gestes déictiques

Il s’agit des gestes de pointage, utilisés pour désigner quelque chose dans l’environnement ou un élément abstrait du discours. Pointer du doigt est le geste déictique le plus courant, mais on peut aussi utiliser le regard ou incliner la tête dans une direction.

Les battements

Ces petits mouvements rythmiques des mains ou des doigts servent à accentuer certains mots ou passages du discours. Ils n’ont pas de sens en eux-mêmes mais aident à structurer le propos et à maintenir l’attention de l’interlocuteur.

Les emblèmes

Ce sont des gestes conventionnels qui ont une signification précise dans une culture donnée. Le pouce levé pour dire « OK » ou le V de la victoire en sont des exemples bien connus. Ces gestes peuvent souvent remplacer entièrement les mots.

Type de geste Fonction Exemple
Iconique Illustrer un objet ou une action concrète Mimer un téléphone avec sa main
Métaphorique Représenter un concept abstrait Écarter les mains pour parler d’expansion
Déictique Désigner quelque chose Pointer du doigt
Battement Rythmer le discours Tapoter avec la main en parlant
Emblème Transmettre un message conventionnel Pouce levé pour dire « OK »

Le développement des gestes chez l’enfant

L’utilisation des gestes est une compétence qui s’acquiert progressivement au cours du développement. Elle joue un rôle crucial dans l’apprentissage du langage et la structuration de la pensée chez l’enfant.

Les premiers gestes

Dès l’âge de 9-10 mois, les bébés commencent à utiliser des gestes simples pour communiquer, avant même de prononcer leurs premiers mots. Le pointage du doigt est l’un des premiers gestes à apparaître. Il permet à l’enfant de désigner ce qui l’intéresse et d’attirer l’attention de l’adulte.

D’autres gestes précoces incluent :

  • Agiter la main pour dire au revoir
  • Tendre les bras pour demander à être porté
  • Secouer la tête pour dire non

Le rôle des gestes dans l’acquisition du langage

Les recherches montrent que l’utilisation précoce des gestes est un bon prédicteur du développement ultérieur du langage. Les enfants qui gesticulent beaucoup ont tendance à acquérir plus rapidement un vocabulaire riche.

Les gestes permettent notamment à l’enfant :

  • D’exprimer des concepts avant de connaître les mots correspondants
  • De pratiquer la communication intentionnelle
  • D’obtenir des réponses de son entourage, favorisant les interactions

L’évolution des gestes avec l’âge

Au fur et à mesure que l’enfant grandit, ses gestes se complexifient et s’enrichissent. On observe notamment :

  • Une augmentation de la variété des gestes utilisés
  • Une meilleure coordination entre gestes et paroles
  • L’apparition de gestes plus abstraits et symboliques
  • Une utilisation plus stratégique des gestes pour appuyer le discours

Vers 3-4 ans, les enfants commencent à utiliser des gestes métaphoriques simples. Par exemple, ils peuvent écarter les bras pour montrer quelque chose de grand. Cette capacité à représenter des concepts abstraits par des gestes est un jalon important du développement cognitif.

L’importance de l’environnement

Le développement des gestes chez l’enfant est fortement influencé par son environnement. Les parents et éducateurs jouent un rôle crucial en :

  • Répondant aux gestes de l’enfant et en les encourageant
  • Utilisant eux-mêmes des gestes riches et variés
  • Proposant des activités qui stimulent l’usage des gestes (comptines mimées, jeux de mains…)

Une étude a montré que les enfants dont les parents utilisaient beaucoup de gestes développaient eux-mêmes un répertoire gestuel plus riche. Cela souligne l’importance de l’exemple et des interactions dans ce domaine.

Les bases neurologiques du langage gestuel

Les neurosciences ont permis de mieux comprendre comment notre cerveau traite et produit les gestes qui accompagnent la parole. Ces découvertes éclairent le lien étroit entre gestes et langage.

L’aire de Broca : un carrefour entre gestes et parole

L’aire de Broca, située dans le lobe frontal gauche du cerveau, est connue depuis longtemps pour son rôle dans la production du langage. Or, les recherches récentes ont montré qu’elle était également impliquée dans la production des gestes.

Cette zone cérébrale s’active à la fois :

  • Lorsqu’on parle
  • Lorsqu’on fait des gestes
  • Lorsqu’on observe quelqu’un d’autre faire des gestes

Cette découverte suggère que gestes et parole sont étroitement liés au niveau neurologique, formant un système de communication intégré.

Le rôle du cortex moteur

Le cortex moteur, responsable de la planification et de l’exécution des mouvements, est également impliqué dans la production des gestes communicatifs. Des études d’imagerie cérébrale ont montré une activation de cette zone non seulement lors de la réalisation de gestes, mais aussi lors de la simple observation de gestes chez autrui.

Cette activation du cortex moteur pourrait expliquer pourquoi les gestes nous aident à mieux comprendre et mémoriser le discours d’un interlocuteur. En observant ses gestes, notre cerveau « simule » en quelque sorte ces mouvements, ce qui renforce notre compréhension du message.

Les neurones miroirs

La découverte des neurones miroirs a apporté un éclairage nouveau sur le traitement cérébral des gestes. Ces neurones particuliers s’activent à la fois :

  • Lorsqu’on effectue une action
  • Lorsqu’on observe quelqu’un d’autre effectuer cette même action

Les neurones miroirs joueraient un rôle clé dans notre capacité à comprendre et à imiter les gestes d’autrui. Ils pourraient ainsi faciliter l’apprentissage par observation et contribuer à notre aptitude à « lire » le langage corporel des autres.

L’hémisphère droit : le complice méconnu

Si le langage est traditionnellement associé à l’hémisphère gauche du cerveau, l’hémisphère droit joue également un rôle important dans le traitement des gestes. Il serait notamment impliqué dans :

  • La compréhension des gestes métaphoriques
  • L’interprétation du contexte non-verbal
  • La production de gestes spontanés

Cette participation de l’hémisphère droit souligne la complexité du traitement des gestes par notre cerveau, qui mobilise de vastes réseaux neuronaux.

Les bénéfices cognitifs de l’utilisation des gestes

Loin d’être un simple « surplus » de communication, les gestes ont des effets positifs sur nos processus cognitifs. Ils nous aident à penser, à apprendre et à résoudre des problèmes.

Alléger la charge cognitive

Utiliser des gestes en parlant permet de réduire la charge cognitive, c’est-à-dire l’effort mental nécessaire pour traiter l’information. En « externalisant » une partie de notre pensée à travers nos mains, nous libérons des ressources cérébrales pour d’autres tâches.

Par exemple, lors d’un calcul mental complexe, faire des gestes pour représenter les nombres ou les opérations peut nous aider à garder le fil de notre raisonnement. De même, mimer un trajet avec nos mains nous aide à le mémoriser ou à l’expliquer plus facilement.

Faciliter la résolution de problèmes

Les gestes peuvent nous aider à aborder les problèmes sous un nouvel angle. En représentant physiquement un problème avec nos mains, nous pouvons parfois découvrir des solutions qui nous échappaient en réfléchissant uniquement « dans notre tête ».

Une étude a montré que des enfants résolvaient plus facilement des problèmes de mathématiques lorsqu’on les encourageait à utiliser des gestes pour représenter les concepts en jeu. Cette approche kinesthésique semble favoriser une compréhension plus profonde et intuitive.

Stimuler la créativité

L’utilisation des gestes pourrait également stimuler notre créativité. En permettant d’explorer des idées de manière plus concrète et visuelle, les gestes favorisent les associations d’idées.