L’anxiété est un sentiment que nous connaissons tous. Il est normal de ressentir occasionnellement de l’appréhension ou de la nervosité face à certains évènements de la vie comme un examen, un rendez-vous galant ou une prise de parole en public. Cependant, quand ce sentiment devient excessif, irrationnel, handicapant et envahit tous les aspects de notre existence, on parle alors de troubles anxieux.
En France, près de 15% de la population est touchée par ce type de troubles à des degrés divers, faisant de l’anxiété la forme la plus répandue des troubles mentaux dans les pays occidentaux. Les femmes sont deux fois plus concernées que les hommes.
Alors comment différencier l’anxiété ordinaire d’une véritable pathologie ? Quelles en sont les manifestations ? Existe-t-il des solutions pour en venir à bout et retrouver une vie normale ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Qu’est-ce que l’anxiété pathologique?
Tout d’abord, il est important de bien différencier l’anxiété normale, que nous ressentons tous de temps à autre, de l’anxiété pathologique qui devient handicapante au quotidien.
L’anxiété normale
Il est tout à fait normal et même utile de ressentir occasionnellement de l’anxiété. Celle-ci nous met en alerte face à une situation potentiellement dangereuse et nous pousse à réagir pour nous protéger. Par exemple, l’anxiété ressentie avant de prendre la parole en public nous mobilise pour préparer notre discours. Ou encore, la peur de rater notre train nous fait accélérer le pas pour ne pas le manquer.
Ce type d’anxiété est donc adaptatif et disparaît une fois le danger ou le défi surmonté. Elle ne dure pas dans le temps, ne paralyse pas nos capacités d’action et ne perturbe pas notre quotidien.
L’anxiété pathologique
A l’inverse, l’anxiété devient pathologique quand elle est :
- Excessive et disproportionnée par rapport à la réalité de la menace
- Incontrôlable et envahissante
- Durable dans le temps
- A l’origine d’une détresse significative
- Invalidante au quotidien
Une personne souffrant d’anxiété pathologique va ainsi vivre dans la peur permanente qu’un drame survienne, sans que cela soit justifié par la situation. Cette angoisse va littéralement pourrir son existence, l’empêchant de dormir, de se concentrer, de prendre du plaisir. Elle peut même devenir incapable de sortir de chez elle ou d’ouvrir sa porte tellement sa vie est parasitée par l’anxiété.
Quels sont les troubles anxieux les plus fréquents?
Derrière le terme générique de “troubles anxieux” se cachent diverses pathologies plus ou moins handicapantes. En voici les principales:
L’anxiété généralisée
Il s’agit du trouble anxieux le plus répandu. Les personnes qui en souffrent ressentent en permanence un sentiment diffuse d’insécurité et de peur que quelque chose de terrible leur arrive ou arrive à leurs proches. Cette angoisse irrationnelle, incontrôlable et envahissante les ronge au quotidien et leur gâche toute capacité de joie ou de plaisir.
Les troubles paniques
Les crises de panique se caractérisent par des accès d’anxiété très intenses qui surviennent brutalement, sans crier gare, et durent de quelques minutes à une demi-heure. Elles s’accompagnent de symptômes physiques très impressionnants pouvant faire croire à une crise cardiaque ou à un accident vasculaire cérébral : palpitations, oppression thoracique, sensation d’étouffement, vertiges…
Les phobies spécifiques
Les phobies sont des peurs irraisonnées envers un objet ou une situation très précise comme les araignées, le vide, les transports en commun… L’exposition au phobogène (l’objet ou la situation redoutée) déclenche un accès d’anxiété majeur obligeant la personne à fuir ou à mettre en place des stratégies d’évitement.
Le trouble obsessionnel compulsif (TOC)
Le TOC associe à la fois des obsessions (idées intrusives et récurrentes perçues comme menaçantes) et des compulsions (comportements stéréotypés effectués pour diminuer l’anxiété générée par les obsessions). Par exemple, une obsession de contamination associée à une compulsion de lavage excessif des mains.
L’état de stress post-traumatique
Ce trouble survient chez des personnes ayant vécu un évènement traumatique comme un accident, un viol, une agression… Il associe des symptômes d’hypervigilance anxieuse avec des reviviscences régulières du traumatisme sous forme de flashbacks envahissants.
Quels sont les facteurs de risque?
Bien que les causes exactes des troubles anxieux ne soient pas totalement élucidées, on connaît certains facteurs de vulnérabilité:
- Une prédisposition génétique
- Un terrain biologique particulier
- Un vécu personnel fait d’expériences angoissantes
- Un environnement familial générateur d’anxiété durant l’enfance
- La reproduction de schémas parentaux anxieux
- Certains traits de personnalité comme le perfectionnisme, le manque de confiance en soi ou une estime de soi fragile
- Des mécanismes d’adaptation inefficaces face au stress
Ces facteurs de prédisposition vont interagir avec des éléments déclencheurs comme un deuil, une séparation, le burn-out professionnel, le harcèlement… pour faire basculer une personne d’une anxiété normale à pathologique.
Quels sont les symptômes de l’anxiété?
L’anxiété se manifeste à la fois par des signes psychologiques et physiques plus ou moins intenses.
Les symptômes psychologiques
- Un sentiment diffus d’insécurité
- Une anticipation permanente de la catastrophe
- Des inquiétudes de toutes sortes envahissantes
- Une distraction et une difficulté à se concentrer
- De l’irritabilité
- Des troubles du sommeil
Les manifestations physiques
- Des palpitations cardiaques
- Une tension musculaire
- Une sensation d’oppression respiratoire
- Des tremblements
- Des sueurs
- Des bouffées de chaleur
- Des nausées, des maux de ventre
Ces symptômes sont éprouvants pour les personnes qui les subissent et peuvent être à l’origine d’une altération significative de la qualité de vie.
Comment poser le diagnostic de troubles anxieux?
Etant donné la diversité des troubles, il est parfois difficile de reconnaître une pathologie anxieuse, d’autant plus que les symptômes physiques font souvent craindre autre chose qu’une “simple” anxiété. Pourtant, un diagnostic précoce est capital pour entamer au plus vite une prise en charge adaptée et éviter les complications.
Le rôle du médecin généraliste
La première étape essentielle est de consulter son médecin traitant. Via un interrogatoire ciblé, il cherchera des antécédents personnels ou familiaux de troubles psychiques, s’intéressera à l’histoire de la maladie, aux situations de déclenchement ou d’aggravation. Il réalisera aussi un examen clinique complet pour s’assurer de l’absence d’une pathologie organique sous-jacente.
Le bilan psychologique
Dans un second temps, le médecin adressera son patient à un psychologue clinicien. Grâce à des tests psychométriques standardisés, celui-ci précisera les symptômes, leur retentissement et leur évolutivité. Il évaluera aussi certains traits de personnalité comme l’anxiété-trait (propension anxieuse stable), le perfectionnisme ou l’intolérance à l’incertitude.
Les autres examens complémentaires
Pour affiner le diagnostic, exclure une pathologie mimant l’anxiété ou rechercher des comorbidités (troubles associés), des examens complémentaires peuvent être prescrits : prise de sang, enregistrement du rythme cardiaque sur 24 heures, imagerie cérébrale…
Quelles sont les complications possibles?
Faute de prise en charge adaptée, les troubles anxieux sont à risque d’évolution défavorable à plus ou moins long terme:
- La chronicisation : l’anxiété s’inscrit dans la durée et s’intègre comme un trait de personnalité pathologique
- L’invalidité : la personne devient incapable d’assumer ses rôles sociaux, professionnels, familiaux
- La dépression : l’humeur s’altère significativement avec risque suicidaire
- Les addictions : alcool, tabac, médicaments, drogues illicites…
- L’agoraphobie : peur panique des espaces publics conduisant au repli sur soi
- La déréalisation : sentiment que l’environnement est devenu étrange, irréel ou déformé
Il est donc capital de repérer et de prendre en charge précocement un trouble anxieux avant que celui-ci ne s’aggrave et ne finisse par gâcher totalement l’existence.
Comment guérir de ses angoisses?
Heureusement, de nombreuses pistes thérapeutiques permettent aujourd’hui de venir à bout des troubles anxieux, ou tout du moins d’en limiter significativement les effets.
Le soutien psychologique
Etre écouté, compris et soutenu est déjà une première étape très bénéfique.Que ce soit dans le cadre d’entretiens individuels avec un psychologue ou lors de thérapies de groupe entre patients, le fait de mettre des mots sur ses maux, de sentir qu’on ne vous juge pas et qu’on cherche à vous aider est très thérapeutique.
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC)
Issues des travaux en psychologie expérimentale, les TCC sont recommandées en première intention dans la plupart des troubles anxieux. Leur principe est de repérer les distorsions de pensée et les comportements qui alimentent le cercle vicieux anxiété > évitement > renforcement de l’anxiété pour ensuite les modifier progressivement.
La thérapie EMDR
L’EMDR (Eveil et Désensibilisation par Mouvements Oculaires) est une technique particulièrement indiquée dans l’état de stress post-traumatique. En stimulant certains mouvements oculaires, elle vise à débloquer les souvenirs traumatiques envahissants stockés dans le cerveau sous forme d’images vidéo incontrôlables.
L’hypnothérapie
Utilisant la transe hypnotique, l’hypnose permet de modifier l’état de conscience du patient pour diminuer ses symptômes. Elle est notamment très efficace pour gérer les attaques de panique et retrouver un meilleur contrôle de soi.
La relaxation et la méditation
Ces techniques psycho-corporelles agissent à deux niveaux :
- Apaisement physiologique du corps par la détente musculaire
- Pacification mentale en focalisant son attention sur sa respiration, ses sensations, l’instant présent
Pratiquées régulièrement, elles permettent de désamorcer les montées d’anxiété et de retrouver calme intérieur et sérénité.
Les médicaments
Si les thérapies non médicamenteuses s’avèrent insuffisantes, le médecin pourra instaurer ponctuellement ou au long cours :
- Des antidépresseurs
- Des tranquillisants
- Des bêta-bloquants (propranolol)
Ces traitements visent à rééquilibrer la chimie cérébrale et à diminuer les symptômes handicapants le temps que les thérapies fassent effet.